Des ponts préfabriqués d'ici et d'ailleurs

Des ponts préfabriqués d’ici et d’ailleurs.
 
Dans la précédente édition de novembre 2006 ( Béton n° 188), ir H. Detandt, Directeur de Génie civil de Tuc Rail, avait magistralement démontré la place incontournable qu’a pris le béton préfabriqué dans la conception et la réalisation des ouvrages ferroviaires (ponts pour TGV et RER, élargissements en remblai et en déblai, travaux d’assainissement…).
Le présent article illustrera l’apport des éléments préfabriqués dans quelques réalisations de ponts en Belgique et à l’étrange.
 
La « Construction industrialisée » est l’avenir des ouvrages d’art, principalement  dans les pays à haute densité de voies routières, ferroviaires et hydrauliques.
Il est très avantageux, tant du point de vue délai que qualité, de recourir à la préfabrication  béton des poutres et dalles dans la construction de ponts et de bâtiments. En effet, les poutres sont réalisées sans perturbation de chantier, en temps masqué, dans des usines où le béton exécuté dans de bonnes conditions et sous contrôle sévère atteint des résistances journalières de  60 M.Pa. et  jusqu’à 180 M.Pa. (à 28J)dans certains cas spécifiques.
 
Ces valeurs, nettement supérieures au béton préparé ordinaire, méritent l’appellation « béton industrialisé de haute technologie » plutôt que  « préfabriqué » dont la connotation péjorative est regrettable, estime M. Guy Rigot de la firme RONVEAUX à Ciney.
Dans le Benelux, il n’est pas rare de voir des poutres de ponts et de bâtiments  porter jusque  60 m et peser jusqu’à 230 tonnes. Le record invaincu est la réalisation à Ciney de poutres de bâtiment de 75 m de long et pesant 250  tonnes.
 
Types de poutres
 
Trois types de poutres, couramment utilisées par les préfabricants pour la réalisation d’ouvrages d’art, sont traitées ci-après.
 
La poutre-dalle
 
La poutre-dalle constitue une solution technique pour les petites portées (jusque 30m).
 
En effet, le concept de la poutre-dalle posée jointivement  permet de  réduire les travaux de finition au-dessus de la voirie mais aussi d’augmenter l’inertie de première phase, et, de ce fait, la capacité de précontrainte de la pièce.
 
Ce type d’éléments compte de sérieuses références où ils ont été appliqués avec succès :
 
  • le viaduc de Profondeville :296 poutres-dalles de 24m  précontraintes et jointives ;
  • le viaduc  d’Ath :100 poutres-dalles Flexstress*  de  25 m ;
  • nombreuses poutres-dalles, conçues par la société nationale des chemins de fer belges, pour les lignes TGV.
 
Les poutres standardisées
 
Généralement en forme de I ou U, principalement utilisées pour les portées moyennes (au-delà de 30m), ces poutres permettent la réalisation rapide et performante (H=L/20) de ponts routiers.
 
 Le transport de ces éléments ainsi que leur pose sont impressionnants et requièrent tout le savoir faire des différents intervenants.
Ce type de poutres a été utilisé en grand nombre dans les trois réalisations suivantes.
 
  • Ponts D’Argentan (Normandie)
 
Grâce au raccordement ferroviaire du préfabricant, les 108 poutres de 32 m, destinées aux ponts d’Argentan sur la A88, quittèrent Ciney (Condroz) par train jusqu’à Alençon (Normandie) et furent ensuite transportées par route sur le trajet restant.
Le lecteur découvrira ci-dessous le film de ce fabuleux voyage.
 
  • Viaducs TGV de Herve
 
Pour la réalisation des viaducs de la ligne TGV vers Cologne, la fabrication et la livraison de pas moins de 212 mega- poutres furent confiées à deux préfabricants belges ( Ergon à Lierre et Ronveaux à Ciney) : 48 au départ de Lierre et 164  au départ de Ciney.
Les 164 poutres, dont quelques-unes pesant jusqu’à 230 tonnes , quittèrent Ciney par convois  exceptionnels de nuit. Dans  ce cas, le convoi extraordinaire comptait 160 roues au sol par poutre.
 
  •  Pont RER de Watermael
 
Les quatre poutres hors normes, tant par leur forme (elles sont pourvues à leur extrémité d’un talon inférieur) que par leur hauteur de 2,70 m, du pont RER de Watermael sont posées à blanc et ripées, c.a.d. que le pont est réalisé à côté de son emplacement final, en vue de diminuer la coupure du trafic ferroviaire, et est ensuite glissé latéralement. La longueur des poutres varie de 23 à 33,5 m.
 
Le pont-bac
 
Cet élémentest un concept encore plus complet que la poutre puisqu’il s’agit directement d’un ‘pont prêt à l’emploi’: les engins qui le transportent et qui le posent peuvent immédiatement rouler dessus pour poser l’élément suivant sans perturber le trafic au sol. Il est dès lors recommandé pour les viaducs urbains. Il en a été largement fait usage pour le TGV aux alentours de Bruxelles (cfr figures 1 et 2 de l’article de ir De Tandt paru dans la Revue Béton 188 de novembre 2006).
 
Zicht op een trogbrugelement in Brussel zuid./ Vue d’un élément pont-bac à Bruxelles-midi
 
Procédés
 
Pour les trois types de poutres susmentionnées : poutre-dalle, poutre I, U et pont bac®, quatre techniques de performance croissantes sont utilisées :
 
Le rapport L/H dont question ci-dessous constitue l’élancement, c.a.d. la portée possible en fonction de la hauteur.
 
  • Le béton armé L/H  = ~ 15
  • Le béton précontraint par adhérence L/H = ~ 20
  • Le béton préfléchi *L/H  = ~ 28. La préflexion consiste à préfléchir en flexion simple la poutrelle métallique avant enrobage.

La préflexion (Lipsky 1951) est une autre façon de précontraindre le béton inférieur d’une poutre par déformation, à l’aide d’efforts extérieurs, d’une poutre métallique avant enrobage. La société des chemins de fer belges l’utilise pour son exceptionnelle résistance à la fatigue.

  • Le béton Flexstress superposition des deux procédés précédents auxquels a été ajoutée  la Turbo-préflexion et l’antiprécontrainte provisoire pour atteindre un L/H = ~ 35.

La Turbo-préflexion est la précontrainte de la poutrelle métallique avant enrobage tandis que l’antiprécontrainte provisoire consiste en une précontrainte provisoire en partie supérieure de la poutre pour pouvoir précontraindre davantage en partie inférieure. Cette précontrainte provisoire est relâchée ultérieurement. 

Tous ces procédés et systèmes sont appliqués dans l’une des usines du groupe Ronveaux (2 en Belgique, 2 en France et 3 au Vietnam)  et chez ses licenciés.
 
Les avancées techniques des ouvrages d’art profitent également aux bâtiments qui grâce aux colonnes de forte portance, aux poutres Mixstress (poutre mixte précontrainte) et au plancher Co-floor (plancher sans étais) peuvent atteindre des hauteurs exceptionnelles en un temps record.
 
Avec le béton industrialisé , la performance est un état d’esprit.
 
Guy RIGOT, Administrateur directeur de Ronveaux Construction
 
Eléments préfabriqués : RONVEAUX S.A., B- 5590 Ciney ; www.ronveaux.com